communiqué du 20 juin
Mesdames et messieurs journalistes, femmes et hommes politiques
La semaine dernière, M Blanquer, dans sa circulaire de rentrée, annonce que l'école maternelle, est l'école de l'épanouissement et du langage, or pour beaucoup d'élève sourd, ce premier temps d'entrée à l'école est celui de la découverte de l'isolement quand il se trouve en inclusion individuelle.
Un élève sourd, dont la langue est la Langue des Signes Française (LSF), comment peut-il s'épanouir et construire sa langue s'il est le seul à la parler dans sa classe et s'il n'entend pas les échanges de ses camarades ?
Certes il va observer, jouer, dessiner, mais que fera-t-il pendant les temps d'histoire ou d'expression ? Se sentira-t’il en « sécurité affective » ou vivra-t-il de nombreux moments de solitude, se socialisera-t-il ou se désocialisera-t-il ?
Comment pourra-t-il apprendre à structurer son vocabulaire oral si sa langue orale est la LSF et qu'il n'a pour seul interlocuteur qu'un AESH qui n'aura eu que quelques heures de formation en LSF ?
Le ministère met l'accent sur « le rôle crucial de ces trois années de la vie (en maternelle) dans le développement affectif et intellectuel de l'enfant. » Un élève sourd, dont la langue est la LSF qui sera scolarisé en inclusion individuelle qu’y apprendra-t-il ? Ces trois années seront-elles, pour lui aussi des années de construction ou des années de souffrance et d'isolement ?
Comment pourra-t-il prendre confiance en lui, dans une interaction binaire avec un AESH mal formé ?
Quand le ministre dit « Les acquisitions progressivement réalisées à l'école maternelle sont déterminantes pour la maîtrise future des savoirs fondamentaux. » il a tout à fait raison, mais qui enseignera aux élèves sourds les bases de ces savoirs fondamentaux ? Où sont les enseignants maîtrisant la LSF et les Pôles d'Enseignement des Jeunes Sourds (PEJS) qui permettraient cette progression vers les savoirs fondamentaux ?
Quand le ministère écrit :
« 3. Une priorité : l'enseignement structuré du vocabulaire oral
Pour que les élèves s'approprient la langue française, un enseignement régulier et structuré du langage est nécessaire dans toutes les classes de l'école maternelle. Cet enseignement doit aussi s'incarner, au-delà des échanges spontanés ou liés aux situations d'enseignement, dans des temps spécifiquement dédiés au développement des compétences communicationnelles (écoute attentive, volonté d'être compris, attention partagée, mémoire, expression) et des compétences linguistiques (précision des mots et organisation des phrases).
Dans ce cadre, l'un des objectifs majeurs consiste à enrichir le vocabulaire des élèves. En effet, les études mettent en évidence le rôle décisif d'une exposition précoce des jeunes enfants à un vocabulaire riche, précis. De même, les exercices de compréhension orale proposés par les évaluations nationales ont montré que de forts écarts existaient sur ce point pour les élèves relevant de l'éducation prioritaire. Ce déficit de vocabulaire, qui entraîne un défaut de compréhension orale, constitue par suite un frein très important pour l'apprentissage de la lecture. La mise en œuvre de l'enseignement du vocabulaire oral s'attachera à en faire une présentation structurée, à travers des regroupements sémantiques et logiques.
La recommandation jointe à la présente circulaire propose à cet égard des indications précises afin de stimuler et structurer le langage oral, et développer la compréhension des messages entendus. »
Que prévoit-il pour les élèves sourds notamment ceux dont la langue est la LSF ?
En CP la circulaire dit :
« En français, dès le début de l'année, l'enseignement des relations entre graphèmes et phonèmes est intensif et systématique »
Donc, en inclusion comment un élève sourd va-t-il faire ces exercices : compléter les mots avec la voyelle manquante, ou colorier la syllabe que" tu entends" au début de chaque mot ou encore entourer le mot quand on entend le son (R) ?
Concrètement comment va faire l'enseignant de ces élèves sourds isolés pour leur faire faire des dictées de syllabes ou des dictées de mots ?
L'inclusion des élèves sourds dont la langue est la LSF n'est possible que si la communauté éducative maîtrise la LSF, les enseignants mais aussi les autres élèves, une langue se partage, elle est vectrice d'échanges, ils sont impossibles si l'élève signant est seul.
Nous demandons encore et toujours :
Un regroupement (groupes de pairs) des élèves sourds dont la langue est la LSF dans des classes au sein des établissements de l’Éducation Nationales pour que chacun apprenne à vivre ensemble.
Un enseignant, en primaire, ou des enseignants, en secondaire, qui maîtrisent parfaitement la LSF et qui ont été formés à la pédagogie spécifique aux élèves qui n'entendent pas.
Tout cela est inscrit dans la circulaire n° 2017-011 du 3-2-2017 « Mise en œuvre du parcours de formation du jeune sourd » (PEJS) qui n'est toujours pas en vigueur dans la très grande majorité des académies en France, alors :
Pour les élèves sourds où est « l'équité entre tous les territoires de la République » ?
Pour les élèves sourds où est l'école de la confiance ?
Aujourd'hui nous nous posons vraiment la question : la réussite des élèves sourds est-elle une priorité pour le ministère de l’Éducation Nationale ?
Mesdames et messieurs, merci de votre attention