Circulaire n° 2010-068 du 28 mai 2010 PASS
Circulaire n° 2010-068 du 28 mai 2010 PASS
Bulletin officiel n° 25 du 24 juin 2010
Enseignements primaire et secondaire – Enseignement spécialisé
NOR : MENE1013746C
MEN – DGESCO – B2-2
Dans l’éducation et le parcours scolaire des jeunes sourds, l’article L. 112-3 du code de l’Éducation pose le principe de la liberté de choix entre une communication bilingue (langue des signes et langue française) et une communication en langue française. Les conditions d’exercice de ce choix ont été fixées par le décret n° 2006-509 du 3 mai 2006(1), relatif à l’éducation et au parcours scolaire des jeunes sourds, repris aux articles R. 351-21 à R. 351-25 du code de l’Éducation.
Ces deux modes de communication doivent être possibles dans les établissements scolaires où sont regroupés des élèves sourds, parfois dans des classes ordinaires, avec les élèves entendants.
- S’agissant de la communication bilingue, le législateur a donné à la langue des signes française (LSF) le statut de langue à part entière de la République (article L. 312-9-1 du code de l’Éducation). La démarche retenue par le ministère de l’Éducation nationale inclut, dès la maternelle, un apprentissage ou une consolidation de la connaissance de la langue des signes française pour ces jeunes sourds, ainsi qu’un accès graduel au français via le français écrit (lecture et écriture) dont la maîtrise est indispensable pour tout élève dans le cadre du socle commun de connaissances et de compétences.
Des programmes d’enseignement de la langue des signes française ont été élaborés en 2008 et 2009 pour l’école primaire, le collège et le lycée d’enseignement général et technologique et pour le lycée d’enseignement professionnel en vue de permettre une communication bilingue (langue des signes française-langue française) aux élèves sourds dont les parents en auront fait le choix. Cette obligation est renforcée par la nécessité pour ces enfants de parfaire leur connaissance de cette langue afin d’être en capacité de tirer profit d’un enseignement en LSF dès leur entrée en maternelle et tout au long du parcours scolaire. Les enseignants, pour l’essentiel aujourd’hui des enseignants sourds venant d’associations ou d’instituts spécialisés, sont contractualisés par les rectorats d’académie.
Ils sont seuls à ce jour à pouvoir enseigner la langue des signes et doivent appuyer leur enseignement sur les programmes officiels en s’aidant des fiches pédagogiques d’accompagnement de ces programmes. Programmes et fiches sont disponibles sur le site dédié à la LSF : http://www.ressources-lsf.cndp.fr/.
Pour assurer la nécessaire continuité entre les niveaux d’enseignement, la circulaire n° 2008-109 du 21 août 2008 fixait comme objectif l’établissement progressif, dans chaque académie, de la carte des « pôles LSF » où cet enseignement doit être dispensé. Une dizaine de ces pôles sont ouverts ou en cours de construction.
- La mise en place des premiers pôles, qui visaient d’abord les élèves dont les parents avaient fait le choix de la communication bilingue, a montré le besoin de modifier le concept de ce dispositif et de l’étendre aux élèves sourds dont les parents ont fait le choix d’une communication en langue française (écrit et oral), afin de permettre aux familles d’exercer leur libre choix entre ces deux modes de communication.
Il est donc apparu nécessaire de compléter la circulaire précitée en élargissant la notion de pôle ressources. Tel est l’objet de la présente circulaire.
Ces pôles trouvent leur légitimité dans le fait que les jeunes sourds ayant fait le choix bilingue, donc celui de la communication en face à face par la LSF, doivent être regroupés, puisque l’apprentissage de la LSF suppose des interactions langagières entre pairs, si possible dans des classes ordinaires.
1 – Une nouvelle appellation
La construction progressive de pôles ressources dans chaque académie, parfois sur plusieurs sites en fonction du nombre d’élèves concernés et le plus près possible de leur domicile, est en cours. Elle doit se poursuivre en fonction de la ressource humaine progressivement disponible pour enseigner la LSF et de la constitution d’un vivier de professeurs qualifiés (titulaires du Capes LSF dont la première session est ouverte en 2010 et qui pourront alors enseigner la LSF) ou habilités officiellement par l’attribution de la certification complémentaire (note de service n° 2009-188 du 17 décembre 2009, publiée au B.O. du 24 décembre 2009) pour enseigner leur discipline en LSF. Cette habilitation doit être généralisée à toutes les académies dès la rentrée 2010.
De plus, l’expérience montre que ces pôles étant, pour les premiers du moins, implantés dans des grandes villes, y sont aussi scolarisés des enfants dont les parents ont fait le choix de la communication en français. L’appellation « pôles LSF » se révèle donc trop restrictive.
C’est pourquoi il a été décidé de dénommer désormais ces pôles « Pôles pour l’accompagnement à la scolarisation des élèves sourds » ou Pass.
Ce changement d’appellation vise à élargir la notion de pôle aux dispositifs pédagogiques et technologiques permettant à tous les jeunes sourds, quel que soit le mode de communication choisi par leurs familles, de suivre un enseignement au plus près possible d’une scolarisation ordinaire sans se focaliser sur la seule LSF. Il convient par conséquent de veiller à concentrer dans ces Pass les meilleures conditions possibles de scolarisation, l’exigence de qualité restant primordiale.
2 – Un objectif pédagogique essentiel : la maîtrise du français
La difficulté pédagogique majeure avec des jeunes sourds réside dans l’apprentissage de la lecture en raison de la quasi-impossibilité d’avoir recours au code de correspondance grapho-phonétique. L’absence relative de résolution de cette difficulté depuis de nombreuses décennies a amené notre pays, comme d’autres, à connaître des formes d’illettrisme chez les personnes sourdes. Ceci doit être fortement pris en compte.
C’est pourquoi un effort sans précédent doit être accompli afin de s’assurer de la maîtrise de la lecture et de l’écriture par tous les élèves sourds, a minima. Le Pass doit servir de cadre à la réalisation de cet objectif. Il s’agit de renforcer prioritairement l’apprentissage du français, écrit pour les élèves ayant fait le choix d’une communication bilingue, écrit et oral pour les élèves ayant fait le choix d’une communication en langue française. Selon le degré de surdité et les possibilités individuelles de chaque élève, une offre de l’apprentissage du français écrit et oral sera ainsi disponible pour tous. À cette fin, il est nécessaire de prendre les dispositions utiles pour que tous les élèves sourds solarisés en établissements scolaires se voient proposer un renforcement de l’enseignement du français, à hauteur d’une heure par semaine au minimum.
3 – Une organisation cohérente et resserrée
Afin de compléter les dispositions prévues par la circulaire n° 2008-109 du 21 août 2008, un médiateur pédagogique sera désigné dans chaque Pass. Il sera choisi parmi les professeurs (du premier ou du second degré) ayant acquis la certification complémentaire en LSF prévue par l’arrêté du 30 novembre 2009. Sa mission sera double. Il aura pour tâche d’assurer une médiation pédagogique auprès des élèves sourds qui pourront le rencontrer à une heure donnée fixée dans les emplois du temps, pour faire état de leurs difficultés scolaires. Il servira aussi de médiateur auprès de se collègues professeurs disciplinaires auxquels il rendra compte des difficultés spécifiques des élèves sourds à suivre, par exemple, telle ou telle partie du cours. Cette heure de médiation sera incluse dans son service ou effectuée en heure supplémentaire.
Ce médiateur, compétent en LSF, pourra aussi assurer l’interface dans la communication (français/LSF ou LSF/français) entre les parents et les professeurs ou le personnel administratif de l’établissement, selon les besoins.
Les élèves sourds dont les parents ont fait le choix d’une communication bilingue doivent recevoir un temps d’enseignement de la LSF conséquent, qui ne pourra être inférieur au temps consacré ordinairement à l’enseignement du français oral. Un minimum de deux heures hebdomadaires de LSF semble s’imposer, en supplément de l’enseignement des autres disciplines. Chaque établissement en fixera les conditions de mise en place en fonction du nombre d’enfants sourds concernés.
Les jeunes sourds ayant fait le choix de la communication en langue française seront scolarisés dans ces Pass, l’expérience montrant qu’un bon nombre d’entre eux acquièrent aussi la LSF à un moment donné de leur parcours scolaire, et sans préjuger des aides éventuelles qui pourraient leur être apportées par les services de soutien à l’éducation familiale et à l’intégration scolaire (SSEFIS) ou autres.
4 – Le recours aux Tice
Les Tice peuvent aussi, dans ce domaine de la scolarisation d’élèves à besoins particuliers, apporter des aides utiles.
Le plan gouvernemental en faveur des personnes sourdes ou malentendantes a inscrit l’expérimentation de nouvelles technologies de l’information et de la communication dans trois académies dès la rentrée 2010. De nombreuses expérimentations sont déjà en cours et donnent des résultats satisfaisants.
Afin d’assurer l’accès aux cours dispensés dans les salles de classe par les professeurs, seuls spécialistes des disciplines enseignées, des logiciels, de reconnaissance vocale et de synthèse vocale (écran-voix et voix-écran), notamment, peuvent être utilisés efficacement. Leur emploi, en simultané dans la seule salle de classe, permet une interactivité entre le professeur, les élèves entendants et les élèves sourds scolarisés avec eux. Ces outils ont été expérimentés pour affiner leur utilisation pédagogique, en appui sur de nouvelles modalités d’enseignement qui feront l’objet de la plus grande attention, d’autant qu’elles sont transférables à des publics d’élèves ordinaires, toujours hétérogènes.
Ces logiciels, utilisés uniquement dans la salle de classe, ne dispensent en aucun cas de l’enseignement de la langue des signes française qui doit être assuré hebdomadairement aux élèves ayant fait le choix de la communication bilingue. Ces outils réclament cependant de la part des élèves (qu’ils aient fait le choix de la communication bilingue ou celui de la communication en langue française) une bonne connaissance du français écrit. C’est pourquoi on veillera à ce que des cours de renforcement de français soient mis en place dans ces Pass, le plus tôt possible (cf. supra). Ils bénéficieront aux élèves sourds dont les parents ont fait le choix de la communication bilingue (LSF et français écrit) et aux élèves dont les parents ont fait le choix de la communication en langue française : dans les deux cas, leur scolarité et leur réussite seront renforcées par ce soutien en français, discipline transversale essentielle à l’acquisition des savoirs et des compétences.
C’est par l’addition de toutes ces modalités, la mise en synergie d’enseignants sourds, de professeurs titulaires du Capes LSF et de professeurs habilités par la certification complémentaire, avec l’appui d’un usage pertinent d’outils technologiques, que ces Pass offriront la meilleure qualité d’enseignement à ces élèves à besoins particuliers.
Dans l’esprit de l’égalité des chances pour tous, il faudra veiller, sur l’ensemble du territoire national, à inscrire dans les plans académiques de formation (Paf) pour les enseignants volontaires des actions appropriées visant à leur assurer une initiation à l’usage des outils technologiques mentionnés plus haut, un apprentissage de la technique du codage et des formations à des pratiques pédagogiques adaptées.
Il convient de souligner également que les cours dispensés en classes « ordinaires » doivent aller à l’essentiel et être projetés dans leurs versions écrites (tous lés élèves, sourds ou entendants, doivent pouvoir les lire) afin de laisser du temps, dans la classe, à des activités interactives rendues possibles par le recours aux logiciels. La France s’inscrit ainsi au nombre des pays européens ayant fait le choix de l’école inclusive : les élèves sourds doivent pouvoir être scolarisés avec les élèves entendants et ce, quel que soit le choix du mode de communication fait par leurs familles.